La conversion écologique. Un chemin spirituel vers Pâques.

Pour la campagne de Carême 2019, ce sont les Philippines qui sont mis en honneur avec le cri des jeunes qui s’interrogent et nous interrogent tous sur la qualité de la terre que nous voulons léguer aux générations futures. C’est ce même cri d’alarme que nous entendons des lycéens et étudiants qui descendent tous les jeudis dans les rues de certaines grandes villes comme Bruxelles.

C’est la question écologique qui s’invite ainsi dans notre marche vers Pâques. Face à la crise écologique, le Pape François, qui prône une écologie intégrale, appelle les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté à une démarche spirituelle. Celle-ci consistera à une conversion écologique: passer de la domination destructrice de la terre à un amour généreux pour l’ensemble de la création.

  1. La crise écologique

C’est ce déséquilibre ou ce changement brutal de l’environnement qui menace de faire disparaître la vie de certaines espèces vivantes ou de toutes les espèces, dont l’homme. Elle se manifeste actuellement par un dérèglement climatique, les pollutions de l’eau, de l’air et du sol, ainsi que la destruction de la biodiversité.

Selon plusieurs constats et études scientifiques, les hommes et leurs activités sont majoritairement responsables de ce déséquilibre. Et ceci provoque des conséquences graves qui pourraient être irréversibles.

Il y a plusieurs réactions face à cette crise. Les scientifiques de tous les bords précisent chaque jour davantage les données et le constat de la gravité de la crise. Au-delà des partis écologistes, presque tous les autres partis politiques insèrent désormais la dimension écologique dans leurs idéologies. Même s’il y a encore des personnes ou des groupes qui émettent de sérieuses réserves sur la responsabilité de l’homme comme cause de la crise, personne ne peut nier aujourd’hui sa réalité et son étendue. C’est dans ce sens que le pape François invite tous les hommes et chaque chrétien à se saisir et à se sentir personnellement concerné par cette crise.

La situation est vraiment grave. Il faudrait que les hommes et les citoyens du monde entier agissent et réagissent à tous les niveaux. C’est aujourd’hui que nous devons agir vite et bien. Que les actions ne soient pas uniquement de petites réponses ponctuelles, mais des réponses personnelles, collectives et globales à long terme.

  1. La conversion écologique

La crise écologique est comme ce cri d’alarme qui nous interroge : qu’avons-nous fait de la terre, “notre Maison Commune “ ? Et, en proposant une vision plus large de l’écologie dans dans son encyclique “Laudato si”, le Pape François, à partir de la foi chrétienne, nous invite à un engagement concret, généreux, cohérent, pratique et spirituelle pour la terre en agissant en urgence aujourd’hui pour changer la donne.

En effet, avec l’expression “écologie intégrale”, le pape François nous appelle à une conception plus large de l’écologie en vue de la sauvegarde de la biodiversité et de l’être humain. Il part de la conviction que “Tout est lié, et, comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et des sœurs dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre.” (LS 91).

Nous comprenons ainsi que les dimensions de l’environnement sont liées aux dimensions humaines et sociales. De cette façon, on ne peut pas traiter séparément la crise de l’environnement de la crise sociale, politique, économique et humaine. La solution doit être globale et elle passe par l’amour comme engagement éthique concret à tous les niveaux.

La réalisation de cette écologie intégrale passe par une profonde conversion écologique. Celle-ci commence par la reconnaissance de la rupture de l’harmonie entre ces relations fondamentales : relation à Dieu, au prochain, à l’environnement et à soi-même. C’est ce que le pape François souligne en disant : « Selon la Bible, les trois relations vitales ont été rompues, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de nous. Cette rupture est le péché. L’harmonie entre le Créateur, l’humanité et l’ensemble de la création a été détruite par le fait d’avoir prétendu prendre la place de Dieu, en refusant de nous reconnaître comme des créatures limitées. Ce fait a dénaturé aussi la mission de « soumettre » la terre (cf. Gn 1, 28), de «la cultiver et la garder » (Gn 2, 15). Comme résultat, la relation, harmonieuse à l’origine entre l’être humain et la nature, est devenue conflictuelle (cf. Gn 3, 17-19)´´ » (LS 66).

Comme démarche spirituelle, la conversion écologique est un engagement humain et spirituelle pour restaurer l’harmonie entre ces relations fondamentales. Que l’homme reconnaisse et prenne sa juste place face à Dieu, à ses frères et à la nature. Nous ne sommes pas les maîtres des autres créatures. Nous en sommes les frères et les sœurs, comme le suggère Saint François dans le cantique des créatures.

Nous devons changer de style de vie en sortant de l’individualisme et du consumérisme. Nous allons nous entraîner par une éducation permanente et continue en nous engageant personnellement et collectivement pour le bien commun. En vivant dignement, mais sobrement, nous atteindrons une paix intérieure qui nous fera goûter à la vraie joie qu’aucun bien matériel ne peut combler.

  1. Servir et non dominer

Selon le pape François, la crise écologique est un désordre au niveau de quatre relations fondamentales. Ce qui fait que la solution viendra de la manière dont nous allons les articuler harmonieusement pour l’avenir. Cela se fera en intégrant un changement radical : passer de la domination, de l’utilisation et de la manipulation de la terre et de ses ressources à un amour de la terre qui se manifeste par les actions concrètes.

En effet, le premier chapitre du livre de la Genèse nous parle de la création du monde. Après avoir créé pendant cinq jours les différents éléments du cosmos et de la terre, Dieu créa, selon son image et à sa ressemblance, l’être humain, homme et femme. Dieu avait voulu que l’homme soit “le maître” qui “domine” et “soumette” les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et les bêtes de la terre (Gn 1).

Malheureusement une interprétation erronée de la compréhension du mandat donné à l’homme de dominer la terre et de la soumettre à conduit à l’utilisation abusive des ressources de la terre et à la destruction de la qualité de vie de notre Maison commune.

Face à cet abus, à la suite du pape François, le théologien allemand Jürgen Moltmann (L’écologie et la capacité d’aimer, Lumen vitae 4/2018) nous recommande de comprendre le récit de la création et le mandat donné par Dieu à l’homme pour dominer la terre à partir de l’évangile du lavement des pieds. Là, Jésus, qui est le Seigneur et le Maître appelle ses disciples à imiter son exemple. Il n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. C’est le commandement d’amour qu’il a mis en pratique et nous invite à faire de même.

Ainsi, à la suite de Jésus, aimer son prochain comme soi-même ne se limitera pas seulement aux hommes, mais doit s’étendre à l’ensemble de la création. De cette façon, comme Saint François d’Assise dans le Cantique de frère Soleil, nous considèrerons, traiterons et aimerons le soleil, le vent, l’air, les nuages comme nos frères et la lune, les étoiles, l’eau, la terre et la mort comme nos sœurs.

En nous préparant à célébrer le triomphe de la Vie à Pâques, il nous faut passer de la position du maître qui commande et écrase les faibles ou les petits à celle du serviteur qui aime et qui se met au service de la création. C’est ce message qui accompagnera notre marche spirituelle pendant ce carême !

Abbé Étienne Kaobo Sumaidi,
Doyen de Gembloux.