5e dimanche de carême C – 3 avril 2022

Is 43, 16-21 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

La miséricorde et le pardon nous ouvrent à l’avenir

Toute l’histoire du peuple de la Bible est parcourue par un souffle orienté vers l’avenir, une attente et espérance sans cesse renaissantes. Voilà une excellente clé pour relire l’épisode de la femme adultère dans l’évangile de ce dimanche qui met face à face les tenants du passé (scribes et pharisiens) et Jésus, qui ouvre aux hommes un avenir tout autre.

Même si nos cœurs sont arides comme le désert, Dieu y fera passer les fleuves de son amour et de sa vie (Is 43, 16-21)

C’est ce qu’évoque la première lecture tirée du prophète Isaïe : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? (…) Les bêtes sauvages me rendront gloire- les chacals et les autruches- parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides ».

En effet, ce n’est pas seulement autrefois, au temps de l’esclavage d’Egypte, que Dieu s’est montré un Dieu sauveur. C’est aujourd’hui qu’il sauve. Il fait fleurir les cœurs désertés par l’espérance et la joie, par l’amour et le pardon des offenses.

Jésus et la femme adultère (Jean 8, 1-11)

Les scribes et les pharisiens amènent à Jésus une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. La Loi de Moïse, dont les scribes et les pharisiens se réclament ici ordonnait, en cas d’adultère, de mettre à mort les deux coupables : « L’homme qui commet l’adultère avec la femme de son prochain devra mourir, lui et sa complice » dit le livre de Lévitique (Lv 20, 10). Or, ici l’homme a disparu sans laisser de traces, la femme est restée toute seule à porter le poids de la faute. Ainsi, elle est réduite à jouer le rôle de bouc émissaire pour tout le monde. Comme quoi, le péché d’autrui nous rassure, nous fait sentir justes, nous décharge de notre responsabilité et notre culpabilité propres.

Quoi qu’il en soit, nous voici en présence d’une scène de jugement et de deux attitudes très différentes devant le péché : d’un côté, les scribes et les pharisiens, de l’autre Jésus.

L’attitude des scribes et des pharisiens est impitoyable dans sa logique : cette femme a péché, elle doit payer, sans recours possible. Ils enferment la femme dans son péché, ils la figent dans sa faute.

Et quel est le vrai motif qui les anime ? Ce n’est pas le souci du respect de la Loi de Moïse. L’évangile est clair sur la pureté d’intention de leur démarche : « ils veulent mettre Jésus à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser ».

Cependant, l’attitude de Jésus face à la femme et à ses accusateurs est d’abord très déroutante : « Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol ». Qu’écrivait-il ? Personne n’en sait.

En revanche, ce qui est limpide c’est la réponse de Jésus : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter la pierre ». Les scribes et les pharisiens comprennent tout de suite et ils se retirent.

Et quelle est l’attitude de Jésus face à la femme ? Lui qui est sans péché, il pourrait jeter la pierre : il en aurait le droit. Il ne le fait pas. Saint Augustin évoque la scène en quelques mots admirables : « ils se retirent, l’un après l’autre, tous écrit-il. Il ne reste plus que deux : la misère et la miséricorde ». « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais ne pèche plus ».  Le Seigneur a condamné le péché, non le pécheur (Saint Augustin).  Les fautes sont condamnables, mais aux yeux du Christ, la personne vaut mieux que les actes qu’elle a commis ; si les actes commis appartiennent au passé, la personne reste promise à un avenir d’espérance et de salut.

Voilà pourquoi le Christ rend libre : « va et désormais ne pèche plus ». Jésus offre une nouvelle chance à la femme adultère, il la croit capable d’autre chose.

Quel horizon merveilleux d’espérance, quel espace de liberté cette parole de Jésus ouvre devant la femme ! Grâce à Jésus, par lui et avec lui, l’avenir est toujours ouvert, toujours possible. Jésus refuse d’enfermer la personne dans sa faute, dans son passé.

Celle qui a reçu le pardon, a aussi reçu le devoir de se convertir.

C’est ce que fait Paul dans la deuxième lecture.

En toute sincérité, il témoigne de la miséricorde de Dieu devant les philippiens par le renversement radical qui s’est opéré dans sa vie sur le chemin de Damas. Désormais seul le Christ qui compte pour lui. « Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus ».

Frères et sœurs, la satisfaction de lancer la pierre sur autrui nous fait oublier que nous ne sommes pas meilleurs ; car la femme adultère de l’évangile est bien l’image de toute l’humanité qui s’est détournée de son créateur. Cependant, la miséricorde de Dieu nous touche au plus profond de nos cœurs, nous vivons de sa miséricorde, nous sommes bénéficiaires de son pardon. Mais pourquoi ne pas l’offrir aux autres ? Amen

Abbé Hugues Mbatizoma