30e dimanche dans l’année B – 24 octobre

« Seigneur, faites que je voie ! »

Lorsque Jésus a guéri l’aveugle Bartimée de sa cécité, il lui a permis de voir. Ainsi Bartimée a pu voir Jésus qui était là devant lui. Il a pu voir les autres hommes et femmes qui les entouraient. Il a pu se voir également lui-même et surtout voir à quoi il ressemblait.

L’évangile de ce dimanche nous invite à nous arrêter sur un de nos cinq sens : la vue. Voir ou regarder comme un exercice spirituel que nous sommes appelés à faire régulièrement. Commençons-le par nous approprier la prière de l’aveugle Bartimée qui dit à Jésus : « Seigneur, faites que je voie ».

Demandons à Jésus la grâce de chercher à voir Dieu le Père, qui seul, peut nous combler de bonheur. Demandons au Christ le courage de nous regarder nous-mêmes à notre juste valeur. Demandons au Seigneur la grâce de ne pas être indifférents par rapport à ce que vivent nos frères et sœurs.

  1. Voir Dieu

Je suppose que la première personne que Bartimée a pu voir, c’est Jésus. C’est pourquoi sa prière me fait penser à la demande que l’Apôtre Philippe fit un jour à Jésus  « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit » (Jn 14, 8). Étonné et avec un petit ton reproche, Jésus lui répond en disant : « il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe !  Celui qui m’a vu a vu le Père (…) Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? » (Jn 14, 9-10).

Nous pouvons retenir de la question de Philippe que voir Dieu est ce qui peut combler le cœur et la vie de l’homme. Même si l’homme ne peut pas voir Dieu et demeurer en vie (Ex 33, 20), nous savons que notre aspiration profonde est de le voir un jour face-à-face. Quand le Christ reviendra à la fin ds temps, ceux qui auront gardé la pureté de l’amour dans leur cœur, verront Dieu pour une joie éternelle (Mt 5, 8).

Et dans la réponse de Jésus, nous retiendrons qu’il est tellement uni à son Père au point de ne faire qu’Un avec lui. Il devient pour les hommes le « Visage » aimant du Dieu de miséricorde. Le Fils de Dieu est pour les hommes et les femmes le signe de la présence et du Royaume de Dieu dans le monde.

Lorsque nous faisons nôtre la demande Bartimée, nous pouvons aussi demander à Jésus de nous guérir de notre cécité et de tout aveuglement. Lui demander la grâce de sortir de tout ce qui nous enferme dans l’obscurité du péché et de mauvaises habitudes. Le supplier pour qu’il nous ouvre les yeux afin que nous puissions trouver en lui le chemin qui nous conduit vers le Père. Implorons-le pour découvrir, au jour le jour, la présence du Père au milieu du monde, à travers les événements qui nous touchent et dans les visages des personnes que nous rencontrons.

Et voir, un jour et pour toujours, Dieu face-à-face et jouir du bonheur éternel auprès de lui doit être notre profonde aspiration. C’est pourquoi, dans l’espérance de la vie éternelle, nous pouvons reprendre ce chant (de Patrick Lemoine) comme une prière que nous adressons au Père :

« Je veux voir Dieu
Le voir de mes yeux
Joie sans fin des bienheureux,
Je veux voir Dieu… »

C’est parce que Dieu nous a ouvert les yeux pour que nous puissions le voir, que nous aurons le courage de nous regarder sincèrement nous-mêmes tels que nous sommes et d’être généreux envers le prochain.

  1. Se regarder soi-même

En faisant nôtre la prière de Bartimée, demandons à Jésus la grâce de nous regarder nous-mêmes en vérité. Que nous puissions nous regarder sans complaisance, sans orgueil et sans nous sous-estimer.

Le psaume 35 nous invite à ne pas imiter l’impie. Car, « il se voit d’un œil trop flatteur pour trouver et haïr sa faute » (Ps, 35, 3) et il a perdu le sens du bien. Nous comprenons que si nous demandons à Jésus de nous ouvrir les yeux, c’est pour que nous puissions nous regarder tels que nous sommes. Que nous reconnaissions nos qualités pour pouvoir les améliorer, et nous défauts pour pouvoir nous en débarrasser. Que par Jésus Christ, qui est la lumière du monde, nous puissions avancer vers la Lumière (Ps 35, 10).

En nous permettant de voir de nouveau, Jésus nous invite à nous regarder d’abord nous-mêmes avant de regarder et de juger les autres. C’est le reproche qu’il avait fait aux pharisiens lorsqu’il leur disait : « enlève d’abord la poutre qui est dans ton œil et ensuite, tu verras claire et tu pourras enlever la paille qui est dans celui de ton frère » (Mt 7, 3).

Jésus nous ouvre les yeux pour que nous puissions découvrir ou redécouvrir les qualités et les talents que le Père a mis en nous. Si nous nous regardons sous le regard bienveillant de Dieu, nous nous rendrons compte que nous n’avons pas que des défauts et des limites. Nous avons aussi des merveilleuses qualités que Dieu a mises en nous. Alors, au lieu de nous sous-estimer quand nous nous nous comparons aux autres, prenons une bonne dose de confiance en nous-mêmes pour nous motiver afin d’avancer dans la vie avec espérance !

Comme Bartimée, sachons nous concentrer sur ce qui est essentiel et utile pour nous. Notons que, quand Jésus demande à l’aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Bartimée aurait pu demander de l’argent, de la nourriture ou des vêtements. Mais, il a demandé de voir. Car, c’est ce qui était essentiel et utile pour sa vie et son épanouissement humain et social.

De même, que chacun de nous demande au Seigneur de nous ouvrir les yeux pour que nous puissions voir cet unique essentiel qui nous sera utile pour nous consacrer à ce qui nous rendra heureux sur la terre, nous permettra de cheminer vers Dieu en nous préoccupant de nos frères et sœurs.

  1. Regarder les autres avec bienveillance

Jésus guérit Bartimée pour qu’il puisse également voir les autres personnes et contempler la beauté du monde créé par Dieu.

Voir les autres me fait penser à la parabole de Lazare et le mauvais riche (Lc 16, 19-31). Lazard était couché, couvert des plaies devant la porte du riche. Ce dernier était tellement préoccupé par ses habits et ses fêtes, qu’il ne remarquait pas Lazare devant l’entrée de sa maison. C’est au moment où tous les deux étaient morts, qu’il a pu apercevoir Lazare auprès d’Abraham. Il voulait, à ce moment-là, que Lazare lui apporte de l’eau pour se rafraîchir la gorge.

Lorsque nous faisons nôtre cette prière de Bartimée, que nous puissions demander au Seigneur d’être attentifs envers nos frères et sœurs. Que Dieu nous guérisse de notre indifférence et de notre aveuglement. Demandons au Père la lumière de son Esprit afin que nous puissions percevoir les besoins de nos frères et sœurs et voir comment nous pouvons discrètement leur venir en aide. Demandons à Dieu pour qu’en voyant la misère de ceux que nous rencontrons, nous ayons un cœur compatissant et des mains généreuses.

Voir les autres, c’est aussi les regarder avec amour et bienveillance. Jésus n’interdît-il pas à ses disciples de juger et de condamner les autres ?  « Ne jugez pas et vous ne serez pas juger » (Lc 6, 37). C’est une invitation à regarder nos frères et sœurs bien au-delà de leurs limites, de leurs faiblesses et de leurs péchés. C’est un peu comme avoir le regard d’une mère ou d’un père. Même si leur enfant a fait une bêtise, ils ne l’enferment pas dans sa faute. Ils le regardent avec espérance et bienveillance. Puissions-nous aussi imiter la bienveillance et la miséricorde de Dieu envers nos frères et sœurs !

Jésus nous ouvre les yeux pour que nous puissions également avoir un juste regard sur le monde. À la suite de Saint François d’Assise, le Pape François nous invite à considérer la terre comme notre « Maison commune » ( Lautato si) et à la respecter comme une sœur bien aimée. Dans cette vision, demandons à Dieu la grâce de découvrir les beautés du monde. Mais aussi savoir que tout ce que nous possédons et toutes les relations que nous construisons ne doivent pas nous aveugler au point de nous éloigner de nous-mêmes et de Dieu.

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En reprenant pour notre compte la prière de Bartimée, demandons à Dieu la grâce de découvrir ce qui compte vraiment pour notre vie et qui donnera du sens à notre existence. Demandons-lui de susciter, durant toute notre vie, le désire de chercher à le voir un jour face-à-face. Demandons-lui aussi la grâce de regarder nos frères et sœurs avec beaucoup d’amour et de bienveillance.

Abbé Etienne Kaobo Sumaïdi
Gembloux, le 24 octobre 2021