Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (9)

Lundi 30 mars. Au programme de ce soir, trois cloches comme hier aussi mais 3-5-6 (fa#, si, do#) au lieu de 3-4-5. L’écart se creuse entre la première et les suivantes, ce qui lui permet de bien se détacher. Pour les musiciens : quarte et quinte.

La fréquence à laquelle balance une cloche, et donc le nombre de coups sonnés par minute, est tributaire de sa taille. A système de balancement égal, une cloche plus grande prendra plus de temps pour accomplir son mouvement de balancier et elle sonnera donc à une fréquence moins élevée (par exemple, notre grosse cloche sonne environ 48 coups par minute contre 64 pour la plus petite). Il découle de tout cela que lorsqu’on sonne plusieurs cloches à la fois, on les distingue plus facilement lorsque leur taille diffère suffisamment. Le détachement est plus important. Il ne doit toutefois pas devenir excessif, c’est une question d’équilibre.

Nous avons abordé la semaine dernière la question de la disparition des cloches dans les destructions et incendies. Gembloux dut en subir à plusieurs reprises depuis son origine. Si certains incendies eurent une cause accidentelle, d’autres n’étaient que le point d’orgue d’invasions et pillages.

Au fil de l’histoire, ceux-ci eurent des causes diverses.

Voici les premières péripéties auxquelles notre ville a dû faire face au cours de son histoire.

On se rappelle que Gembloux s’est développée autour de l’abbaye fondée par saint Guibert qui lui donna ses propriétés. Il se fait que sa grand-mère lui fit don d’importants domaines également, ce qui priva la famille de Guibert de biens qui auraient pu lui revenir. Ceci valut à Gembloux d’être envahie et pillée par la propre famille de Guibert qui tentait de reprendre le contrôle d’une partie des biens.

Les choses auraient pu mieux commencer…

La scène est illustrée, comme d’autres moments historiques, dans une série de dessins commandée au XVIe siècle par l’abbé Antoine Papin qui présidait alors aux destinées de la ville et l’abbaye.

Publié sur Facebook par Manu Delsaute d’après La Geste des abbés de Gembloux, par Jean-Paul Straus, éditée par le Cercle royal ‘Art et Histoire’ de Gembloux, 2012, p. 49 et 51.

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (8)

Dimanche 29 mars. Autre sonnerie de trois cloches, avec un accord différent : Guibert, Benoît et Romane, ce qui donne fa#, la, si. Un ton et demi entre les deux premières, un ton entre la deuxième et la troisième. Pour les musiciens : tierce mineure et quarte. La plus grosse cloche se détache davantage des deux autres.

Hier, nous avons vu que les cloches avaient été détruites par l’incendie du beffroi en 1905. On en commanda des nouvelles dès l’année suivante et elles furent installées en 1907. C’est ici qu’un illustre Gembloutois devait intervenir.

Gustave Docq, bourgmestre de Gembloux de 1872 à 1904, s’éteint le 17 septembre 1906. Par testament, il fit un leg de 20.000 frs pour le placement d’un bourdon au beffroi, c’est-à-dire d’une cloche de très grande taille, à charge pour la commune de remplacer les autres cloches qui s’y trouvaient en mauvais état depuis des années.

On étendit la commande et c’est ainsi que le beffroi fut doté d’une sonnerie de cinq cloches comprenant un bourdon de 4.850 kg faisant près de 2 m de diamètre. Sur celui-ci figuraient l’inscription « ville de Gembloux », les armoiries de la Ville et la mention suivante :

« J’ai été donné à la commune de Gembloux par Gustave Docq, chevalier de l’Ordre de Léopold, bourgmestre de 1872 à 1904 ».

Gustave Docq, dont le métier était brasseur, détient avec 32 années d’affilée le record de longévité au maïorat de Gembloux. Il légua également à la ville la somme de 125.000 frs pour le bureau de bienfaisance (le CPAS de l’époque) et 30.000 frs pour la fabrication de la statue de Sigebert qui se trouve sur la place Saint-Guibert (à ne pas confondre 😉).

Tout cela valait bien le nom d’une rue…

Photos : Gustave Docq : Philippe Depireux d’après l’exemplaire figurant dans la salle des mariages. Le bourdon : collection Michel Huppertz – article Manu Delsaute

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (7)

Samedi 28 mars. Ces six derniers jours, nous avons fait la connaissance de nos cloches de volée et nous avons pu constater une disparité d’âge. Nous écouterons ce soir la plus ancienne et les deux plus récentes. Benoît, Romane et Benjamine se marient à merveille pour produire une sonnerie joyeuse : la, si, do#, soit un ton entre chaque cloche.

Mais quelle est la durée de vie d’une cloche et par quoi est-elle déterminée ?

Une cloche de qualité bien utilisée et bien entretenue peut durer des siècles. C’est dire le nombre de générations qui peuvent avoir vécu au son de celle-ci, lequel ne variera pratiquement pas. L’église de Bossière contient d’ailleurs une cloche de 1538. L’usure et le bris, la fêlure, peuvent venir à bout des cloches. En cas de fêlure, le son sera altéré. L’utilisation de la cloche dans de bonnes conditions et avec de bons réglages préservera celle-ci.

Les autres causes de disparition sont externes, liées à l’histoire et ses événements. Les finances mises à mal lors des périodes très difficiles ont parfois eu raison des cloches qu’on revendait pour faire face à certaines dépenses. Ca reste du métal… Gembloux dut ainsi se séparer de la grosse cloche à la fin du 17e siècle.

Les incendies peuvent être fatals aux cloches. Prisonnières de leur tour en feu, elles chutent et se brisent ou finissent en un amas de métal fondu. Ce fut d’ailleurs le cas pour notre beffroi en 1905. Sa flèche fut presque entièrement consumée et les cloches fondirent. On ne détermina jamais la cause de l’incendie.

La reconstruction de la flèche changea complètement la physionomie du clocher : la simple pointe laissa place au modèle que nous connaissons aujourd’hui avec son bulbe si caractéristique.

La cloche Benoît est issue de la nouvelle sonnerie qui fut installée juste après cette reconstruction.

Les cloches peuvent aussi disparaître par vol ou confiscation.

Photos : collection privée : la flèche en feu et quelques étapes de sa reconstruction – article Manu Delsaute 

 

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (6)

Vendredi 27 mars. Pour finir les présentations individuelles, nous écouterons aujourd’hui la petite dernière, la bien nommée Benjamine, 6e et plus petite cloche de la sonnerie. Comme Romane, elle provient de l’opération d’extension de 2012 et a donc été coulée par André Voegelé. Il s’agit d’un do# d’un diamètre de 77,50 cm qui pèse environ 300 kg. Quand-même 😉.

Ces deux cloches ont la particularité de faire à la fois partie de la sonnerie à la volée et du carillon. Si c’est la composante patrimoniale et historique qui fut mise en avant pour Romane, ici l’accent a été mis sur la musicalité.

Les cloches sont en effet des instruments de musique. Elles possèdent une tonalité et on peut en jouer. C’est d’ailleurs le propre du carillon qui est un ensemble de cloches accordées qu’on frappe dans l’ordre et au rythme voulus par l’air qu’on souhaite produire.

Le texte qui figure sur la cloche, tout en faisant allusion à l’appel de la sonnerie à la volée, affirme cette dimension de musicalité intégrée dans un ensemble :

je m’appelle benjamine
en cette année 2012, je nais et gagne le beffroi de notre bonne ville de gembloux.
toi qui passes comme le temps, écoute ma voix t’appeler et chanter
avec celle de mes sœurs d’airain, depuis le cœur millénaire de la cité

Elle possède les mêmes frises d’épis de blé que Romane, ainsi que la mention Ville de Gembloux et le blason, mais pas de chronogramme.
Ces deux cloches sont installées au pied de la toiture, au milieu de la tour, entre les cloches Guibert et Benoît.

Photos : la cloche sur un char du Tour Saint-Guibert le 22/09/2012 : Pierre Aubry. Benjamine et Romane dans le beffroi : Serge Joris.

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (5)

Pour ce jeudi 26 mars, faisons quelques allers-retours dans l’histoire. Après avoir entendu, hier, la plus ancienne de nos cloches, nous écouterons aujourd’hui une des plus récentes : Romane, cloche n° 5, dont la tonalité est si, pour un poids estimé à 420 kg et un diamètre de 87 cm.

En 2012, la Ville décida de faire fabriquer de nouvelles cloches pour étendre la sonnerie et le carillon. C’est au fondeur strasbourgeois André Voegelé que le travail fut confié. Romane fait suite à une coulée en public à Gembloux du 22 au 24 juin à l’occasion de laquelle furent également fondues des petites cloches commandées par des particuliers. Après un repassage nécessaire en fonderie pour obtenir le bon ton et une finition, elle revint à Gembloux à l’occasion du Tour Saint-Guibert, le 22 septembre.

Cette cloche se réfère par son nom aux origines romanes de la tour qui l’accueille, faisant allusion à son ancrage lointain dans l’histoire et à la persistance à travers le temps, malgré les destructions et reconstructions.

Les frises décoratives sont faites d’épis de blé en référence au thème de l’agriculture qui fait aujourd’hui la renommée de Gembloux. La mention « Ville de Gembloux » et le blason garnissent la cloche qui comporte aussi une particularité : un texte muni d’un chronogramme destiné à la dater. Il comporte des petites lettres et des grandes lettres. Ces dernières correspondent à des chiffres ou nombres romains dont l’addition donne l’année de coulée :

Mon nom est romane
écoutez-moi Chanter La liberté au rythme du Cœur de gembloux.
à tous présents et à venir j’annonce Les joIes et Les peines
je porte les messages l’espérance le Courage et la foi Dans l’avenIr

Comment ça, le compte n’y est pas ? Vous avez raison, il manque 10 ans ! Le x devait être en grand. Il manque également une partie de la ponctuation. L’artisanat n’est pas une science exacte, il est humain, donc imparfait 😉

Quoi qu’il en soit, cette cloche fait admirablement la synthèse du Gembloux d’hier et d’aujourd’hui qui se projette dans l’avenir.

Photos : la cloche sur un char du Tour Saint-Guibert le 22/09/2012 : Pierre Aubry – article Manu Delsaute 

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (4)

Ce mercredi 25 mars, sonnerie toute symbolique. Nous entendons la voix de la doyenne de nos cloches, datant d’une époque où les sonneries avaient encore un rôle de premier plan dans la vie quotidienne pour transmettre les informations à la population. On était alors habitué à reconnaître les différentes sonneries et on comprenait leur message.

La cloche 4, appelée Benoît, date de 1906. Elle fait référence à l’ancienne abbaye bénédictine et elle sonne le la. Elle a un diamètre de 92 cm et pèse environ 500 kg. C’est la fonderie Causard-Slégers, de Tellin, qui l’a fournie. Elle est située au-dessus de la seconde cloche, au pied de la toiture côté CPAS.

La particularité de cette cloche est qu’elle a participé à annoncer des événements très marquants de la vie gembloutoise. Des moments graves comme les entrées en guerre ou des incendies, mais aussi des réjouissances comme la libération.

A cette époque, on sonnait encore à la main, à l’aide de cordes.

De 1943 à 1954, cette cloche resta seule en service au beffroi.

Elle possède plusieurs frises décoratives, porte l’inscription « Ville de Gembloux », la date 1906 et les armoiries : les trois clés et la couronne comtale. Elle reçut pour parrain M. Guibert Gérard et pour Marraine Mme Valentine Damseaux. Des noms très… gembloutois !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photos : Vincent Dusseigne (ca 2011).- article Manu Delsaute

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (3)

Ce mardi 24 mars, nous terminons la présentation des cloches placées en 1954 avec la cloche n° 3, un fa# de 871 kg. Elle sonnera seule. Comme les deux plus grosses cloches, elle provient de la fonderie Michiels de Tournai.

Elle fut coulée en 1952 et présente un diamètre de 110 cm. Sa décoration, qui reste sobre, diffère de celle de ses deux sœurs. Elle est située au-dessus de la grosse cloche, au pied de la flèche, côté place de l’Hôtel de Ville.

La paroisse l’appela Guibert et lui donna pour parrain M. Albert Dispa (rien à voir avec notre Bourgmestre 😉) et pour marraine Madame Jules Duculot.

Cette cloche sonne quotidiennement les volées de l’angélus (peu après 8h45, 12h15 et 19h15), sauf le dimanche matin où il n’y a pas d’angélus (on dort) et le dimanche midi où c’est la 2e cloche qui sonne. Nous l’entendrons durant cinq minutes ce soir. Elle boîte un peu et patine au démarrage, mais on ne lui en veut pas, on s’en occupera 😊

Mais au fait, qui est Guibert ?

Au Xe siècle, un chevalier nommé Wicbertus décide de déposer les armes pour entrer en religion et fonder une abbaye. Il la bâtira à l’emplacement de sa villa (c’est-à-dire une grosse ferme) située à la pointe d’un éperon rocheux. Ce lieu, c’est le centre ancien de Gembloux. C’est autour des premiers bâtiments de l’abbaye, situés à proximité de notre beffroi, que se développera la ville.

Wicbertus sera canonisé saint Guibert en 1110. C’est le patron de la cité.

Photo dans le beffroi : Vincent Dusseigne (ca 2011). Photo ancienne : fonds Lucien Hoc du Cercle Royal ‘Art et Histoire’ de Gembloux. Le Doyen Mouthuy à l’arrivée des cloches en vue de leur bénédiction. 1954 – texte Manu Delsaute 

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant … et les autres (2)

Pour ce lundi 23 mars, nous poursuivons avec la présentation d’une cloche, la seconde. Elle est située à l’opposé du bourdon, donc juste derrière les abat-sons sous le cadran de l’horloge côté CPAS.

C’est une des sœurs de la grosse cloche : elle a été placée au beffroi en 1954 et provient de la fonderie Michiels, de tournai. Point de vue musical, c’est un mi, soit un ton au-dessus de la grosse cloche. Elle pèse 1.215 kg pour un diamètre de 124 cm.

La paroisse l’a dédiée à saint Joseph et l’a donc appelée Joseph. Son parrain : Maurice Piérard, sa marraine : Mme José Descampe. Cette cloche sonne seule pour la volée de l’angélus le dimanche peu après 12h15.

Pourquoi les cloches du beffroi sonnent-elles aussi pour la paroisse ? C’est une belle particularité de l’histoire de Gembloux qui est liée à celle de son abbaye.

Il y avait deux églises principales à Gembloux : l’église abbatiale destinée aux moines de l’abbaye et l’église paroissiale Saint-Sauveur.

Suite à la Révolution française, en 1796, les biens de l’Eglise ont été confisqués par l’Etat. Ce fut donc le cas des deux églises. L’église abbatiale fut directement dépourvue de ses cloches puis l’abbaye fut revendue. Les moines ne revinrent jamais.

Après la période révolutionnaire, les biens de l’Eglise qui avaient été confisqués mais que l’Etat avaient conservés devaient être remis à disposition du culte.

La Commune avait gardé l’église Saint-Sauveur mais celle-ci menaçait ruine et il fallait prévoir d’importants frais pour la remettre en état. A quelques dizaines de mètres de là, l’ancienne église abbatiale, toujours en place, était inutilisée. On y installa donc la paroisse et démolit l’église Saint-Sauveur, sauf la tour.

C’est comme ça qu’en 1810, l’ancienne église des moines devint l’église paroissiale, dédiée à saint Guibert. Celle-ci n’ayant plus de cloches, on continua à sonner les cloches de la tour de Saint-Sauveur, aujourd’hui appelée beffroi. La venelle Saint-Sauveur qui le jouxte est là pour nous le rappeler 😊

Photo dans le beffroi : Vincent Dusseigne (ca 2011). Photo ancienne : fonds Lucien Hoc du Cercle Royal ‘Art et Histoire’ de Gembloux. La cloche dans l’entrée de l’église en vue de sa bénédiction. – texte Manu Delsaute

Les cloches de Gembloux sonnent pour le personnel soignant

Ce dimanche 22 mars, petit focus sur la grosse cloche qui sonnera donc seule. Elle pèse 1.805 kg et a un diamètre de 1,41 m. Son ton est ré. Elle provient de la fonderie Michiels, de Tournai, et a été placée dans le beffroi en 1954.

Elle comporte très peu de décorations et d’inscriptions, essentiellement quelques frises, le nom du fondeur et la date de coulée, 1952. Continuer la lecture